Trois ans après avoir promis de rendre le pouvoir aux civils, le chef de la junte guinéenne s’apprête à briguer la présidence lors du scrutin du 28 décembre 2025, dans un contexte verrouillé où l’opposition est neutralisée.
En Guinée, les candidats à l’élection présidentielle du 28 décembre 2025 ont jusqu’à 23h59 ce 3 novembre pour déposer leur dossier à la Cour suprême. Le général Mamadi Doumbouya, à la tête du pays depuis son coup d’État du 5 septembre 2021, doit s’acquitter de cette formalité ce lundi.
Le 15 novembre 2021, deux mois après avoir renversé le président Alpha Condé, Mamadi Doumbouya jurait encore au micro de nos confrères de la presse : « Ni moi ni aucun membre de cette transition ne sera candidat à quoi que ce soit. […] En tant que soldat, nous tenons beaucoup à la parole donnée. » Trois ans plus tard, sa candidature ne fait plus mystère. Ses plus proches collaborateurs le confirment sans détour : « C’est notre candidat. » Son directeur de campagne serait déjà choisi, tandis que les observateurs estiment que le cadre juridique du scrutin a été « taillé sur mesure » pour le chef de la junte.
Un code électoral sur mesure
La réforme du code électoral et la nouvelle Constitution adoptée le 21 septembre dernier ouvrent désormais la voie à une candidature militaire, une évolution inédite dans l’histoire politique récente du pays. Par ailleurs, l’autorisation de candidatures indépendantes, saluée comme une avancée démocratique, se heurte à des conditions drastiques : une caution de 900 millions de francs guinéens (environ 90 000 euros) et le parrainage d’au moins 30 % des maires dans 70 % des communes.
Or, faute d’élections locales, les maires élus ont été remplacés par des « présidents de délégations spéciales », des fonctionnaires nommés par le pouvoir. Difficile, dans ce contexte, d’imaginer qu’ils apportent leur soutien à un autre candidat que l’actuel chef de l’État.
Une opposition neutralisée
Les figures historiques de l’opposition – Cellou Dalein Diallo, Sidya Touré et l’ancien président Alpha Condé – sont écartées du scrutin. Tous trois, vivant en exil, n’ont pu s’inscrire sur les listes électorales, tandis que leurs partis, l’UFDG et le RPG, demeurent suspendus. L’âge limite fixé à 80 ans élimine également plusieurs poids lourds.
Pour le pouvoir, cette recomposition politique serait une opportunité de renouvellement. Mais les candidatures déjà déclarées, comme celles de Lansana Kouyaté et Ousmane Kaba, démentent cette promesse de renouveau. Quant à Aliou Bah, jeune figure montante, il croupit en prison depuis décembre 2024 pour « offense au chef de l’État ».
Un climat de peur et de censure
Dans un pays où les manifestations sont interdites, où la presse indépendante est muselée et les voix dissidentes réprimées, l’espace politique semble verrouillé. « Nous vivons dans un climat de peur et d’auto-censure », dénonce Sékou Jamal Pendessa, secrétaire général du Syndicat des professionnels de la presse de Guinée. Les proches du journaliste Habib Marouane Camara, et des militants Billo Bah et Foninké Menguè, tous trois enlevés par des agents de sécurité en 2024, restent sans nouvelles.
Une indulgence internationale
Malgré ces dérives, Mamadi Doumbouya conserve la bienveillance de plusieurs chancelleries occidentales, notamment celle de la France. Une posture qui, selon de nombreux observateurs, lui garantit un boulevard pour se maintenir au pouvoir, fort d’un appareil d’État désormais acquis à sa cause.


