Le créateur Hugo Nanga, cofondateur de Maison Cosette, a dévoilé le 24 octobre dernier à Paris sa toute nouvelle collection, Librae. Entre audace et modernité, il réinvente la mode et affirme son empreinte sur la scène internationale. Déterminé à faire rayonner une Afrique créative, affranchie des codes et des stéréotypes, Hugo Nanga signe une collection manifeste. Librae, comme une déclaration d’indépendance esthétique, puise à la fois dans les racines et les ruptures, entre élégance urbaine et poésie textile. Rencontre avec un créateur qui allie la rigueur parisienne à l’âme africaine.

54 ÉTATS : Pouvez-vous nous raconter votre parcours et ce qui vous a conduit à co-créer Maison Cosette ?
Hugo Nanga : Je viens d’un parcours à la croisée de plusieurs mondes : celui de l’entrepreneuriat créatif, du design et des cultures africaines. Avec Guy Bela et Giovanni Saory, nous partagions la même conviction : il est temps que l’Afrique ne soit plus seulement une inspiration exotique, mais une voix créatrice à part entière.
Maison Cosette est née de ce besoin de réécrire les codes du luxe, d’inventer un langage où la rigueur parisienne dialogue avec l’âme et la sensibilité africaines. C’est une aventure esthétique, mais surtout une déclaration d’indépendance culturelle.

54 ÉTATS : Qu’est-ce qui vous a inspiré la Collection Librae ?
Hugo Nanga : Librae est un manifeste. C’est le reflet d’une génération qui refuse de choisir entre héritage et modernité. Nous avons voulu raconter une Afrique en mouvement, libre, plurielle.
Les pièces traduisent cette tension entre équilibre et rupture : des lignes structurées, parfois déconstruites, des matières naturelles mêlées à des textures plus audacieuses, et une bonne dose d’upcycling. C’est une ode à la liberté, celle de créer sans demander la permission.
54 ÉTATS : Vous avez choisi de défiler à Paris, capitale mondiale de la mode. Que représente cette étape pour vous et pour Maison Cosette ?
Hugo Nanga : Défiler à Paris, c’est une manière de reprendre la parole dans un espace où nos cultures ont souvent été racontées à notre place. C’est un acte symbolique fort : apporter l’Afrique au cœur de la capitale du style, non pas comme une curiosité, mais comme une force créative majeure.
Pour Maison Cosette, c’est une affirmation : celle d’une maison issue du continent, mais pensée pour le monde.
54 ÉTATS : Quelle est la philosophie derrière Maison Cosette ?
Hugo Nanga : Maison Cosette repose sur trois piliers : liberté, authenticité et exigence. La liberté de créer hors des carcans. L’authenticité, dans la manière de puiser dans nos racines sans les travestir. Et l’exigence, car nous croyons que la beauté n’a de sens que si elle s’accompagne d’un haut niveau de rigueur et de savoir-faire. Nous travaillons nos vêtements comme des poèmes textiles : chaque couture, chaque forme raconte quelque chose de nous.
54 ÉTATS : Vos créations mêlent matières naturelles, coupes destructurées et touches innovantes, avec parfois des éléments floraux. Comment travaillez-vous cet équilibre entre tradition et modernité ?

Hugo Nanga : Nous abordons chaque collection comme une conversation entre le passé et le futur. Les matières naturelles traduisent notre respect du geste et de la terre, tandis que les formes et les détails explorent des territoires plus conceptuels.
Les fleurs, par exemple, ne sont jamais décoratives : elles incarnent la vie, la métamorphose, la fragilité et la force.
L’innovation, pour nous, ne se limite pas à la technologie : elle réside aussi dans la manière de penser la beauté autrement.
54 ÉTATS : La jeune génération africaine de la mode revendique de plus en plus sa liberté et son identité. Comment percevez-vous ce mouvement ?
Hugo Nanga : C’est une renaissance. Cette génération ose enfin se définir selon ses propres termes. Elle s’affranchit du regard occidental, mais aussi de la nostalgie d’un passé figé.
Ce que j’aime, c’est cette capacité à fusionner le local et le global sans contradiction. Les jeunes créateurs africains ne cherchent plus à “rattraper” quoi que ce soit : ils créent leur propre tempo, leur propre esthétique, leur propre langage.

54 ÉTATS : Selon vous, que reste-t-il à accomplir pour que les créateurs d’origine africaine s’imposent durablement, tant sur le marché africain que sur la scène internationale ?
Hugo Nanga : Il faut bâtir des écosystèmes durables. La créativité est là, puissante, mais elle doit s’appuyer sur des structures solides : production locale, distribution, formation, financement, réseaux de diffusion. Nous devons repenser la chaîne de valeur de la mode africaine pour qu’elle ne soit plus seulement un rêve individuel, mais une industrie collective. Et cela passe par la collaboration entre créateurs, investisseurs et institutions culturelles.
54 ÉTATS : Après Librae, quelle sera la prochaine étape pour Maison Cosette ? Où vous voyez-vous dans cinq ans ?
Hugo Nanga : Après Librae, nous voulons approfondir cette exploration du dialogue entre les continents. Nous préparons une ligne capsule qui prolongera le manifeste, plus expérimentale, plus sensorielle, ainsi qu’une collection de haute à porter, un prêt-à-porter sélectif et raffiné.
Dans cinq ans, j’aimerais que Maison Cosette soit reconnue comme une maison mondiale née d’Afrique, présente sur plusieurs scènes culturelles – de Paris à Lagos, de Dakar à Tokyo – mais toujours fidèle à son âme initiale : libre, poétique et exigeante.
54 ÉTATS : Et le mot de la fin ?
L’Afrique n’a pas besoin d’être réinventée, elle a simplement besoin d’être entendue.
Hugo Nanga : Maison Cosette est notre manière d’amplifier cette voix. Créer, pour nous, c’est un acte de liberté, mais aussi de responsabilité : celle de montrer qu’un autre imaginaire africain est possible – fier, multiple et profondément moderne, ancré dans “la mode monde”.


