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mercredi, juillet 9, 2025

Sénégal : recomposition politique après Macky Sall, Diomaye Faye face au test du pouvoir

L’élection surprise de Bassirou Diomaye Faye marque une rupture dans le paysage politique sénégalais. Mais entre attentes sociales, cohabitation prudente avec Ousmane Sonko, et recomposition des anciens réseaux de Macky Sall, la transition ne fait que commencer.

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Aïssatou Faye-Johnson
Aïssatou Faye-Johnson
Correspondante au Sénégal

C’est une page inédite que le Sénégal a ouverte en mars 2024. Porté au pouvoir avec plus de 54 % des voix dès le premier tour, Bassirou Diomaye Faye, ex-prisonnier politique et figure discrète du Pastef, est devenu le plus jeune président de l’histoire du pays. À 44 ans, il incarne l’espoir d’un changement générationnel et institutionnel. Mais plusieurs mois après son investiture, la recomposition du champ politique post-Macky Sall s’accélère. Et avec elle, de nouveaux équilibres fragiles émergent.

Un président élu en tandem

Derrière la victoire de Diomaye Faye, c’est bien l’aura d’Ousmane Sonko – inéligible mais omniprésent – qui a mobilisé l’électorat. Le duo « Sonko-Diomaye », devenu slogan de campagne, reste le socle du pouvoir. Le président gouverne, mais le Premier ministre Sonko structure la stratégie politique, mène les grandes consultations, et conserve l’ascendant dans les cercles militants.

Cette cohabitation entre président et « leader moral » est inédite au Sénégal. Si elle fonctionne pour l’instant dans une logique de loyauté révolutionnaire, elle pourrait, à terme, générer des frictions institutionnelles, voire des tensions sur l’orientation du régime.

L’ancien régime réorganise ses réseaux

Le départ de Macky Sall ne signifie pas la fin de son influence. L’Alliance pour la République (APR) conserve un ancrage local important, des relais dans l’administration et des positions dans certaines institutions. L’absence de purge brutale montre que Diomaye Faye opte pour une stratégie de transition maîtrisée, mais surveille de près les anciens réseaux du pouvoir.

Plusieurs figures de l’ancien régime tentent une recomposition, par exemple autour d’Amadou Ba ou d’anciens ministres comme Abdoulaye Diouf Sarr. Des alliances informelles émergent, parfois même avec des figures de l’opposition historique, dans l’espoir de peser aux prochaines élections locales ou législatives.

Premiers pas sous haute attente

Les premières mesures du président Diomaye Faye ont été fortement symboliques : réduction du train de vie de l’État, engagement pour plus de transparence, signaux d’ouverture à destination de la diaspora et volonté affichée de refonder les institutions du pays. Pourtant, la pression sociale ne tarde pas à se faire sentir.

La population attend des résultats tangibles, notamment sur le pouvoir d’achat, alors que l’inflation et le chômage continuent de peser lourdement sur le quotidien, en particulier pour la jeunesse. La demande de justice reste également vive, avec des procédures toujours en cours autour des violences et répressions menées sous le régime de Macky Sall. Enfin, le discours de rupture avec la France, très présent durant la campagne, a suscité une forte attente de souveraineté concrète, notamment concernant les accords économiques et monétaires hérités de la période postcoloniale.

Conscient de ces tensions, le président avance avec prudence. Il oscille entre une posture souverainiste assumée et une diplomatie réaliste. Car malgré la volonté de changement, le Sénégal demeure étroitement lié à ses partenaires financiers, surveillé de près par les institutions internationales comme le FMI, la BCEAO ou encore les bailleurs multilatéraux.

Le défi : incarner le changement sans fracture

Diomaye Faye a été élu sur une promesse de rupture, pas de revanche. Sa capacité à incarner une nouvelle culture politique – moins clientéliste, plus transparente – sera déterminante. Il devra aussi faire émerger une majorité politique stable, au-delà du tandem Pastef, et structurer un projet national cohérent.

Le Sénégal, longtemps modèle de stabilité démocratique, entre dans une phase plus incertaine, mais aussi plus ouverte. La transition est loin d’être achevée : elle commence à peine.

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