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mercredi, juillet 9, 2025

Crise humanitaire à la lisière du chaos : le Soudan exporte sa guerre vers la Centrafrique

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Isaga Anne
Isaga Anne
Journaliste Reporter d'Images

Bangui, 27 juin 2025 – La guerre civile qui ravage le Soudan depuis plus de deux ans vient de franchir un nouveau seuil inquiétant. Selon plusieurs sources concordantes, des combattants des Forces de soutien rapide (RSF), l’une des principales factions armées du conflit soudanais, ont franchi la frontière pour attaquer un camp dans le nord-est de la République centrafricaine. L’attaque a coûté la vie à plusieurs Casques bleus de la mission de l’ONU, la MINUSCA, et provoqué un nouveau déplacement massif de civils.

Depuis l’éclatement du conflit entre l’armée régulière soudanaise et les RSF en avril 2023, plus de huit millions de personnes ont été déplacées. La plupart ont fui vers des pays voisins, notamment le Tchad et la Centrafrique. Mais au fil des mois, la frontière est devenue poreuse, et le conflit se propage désormais au-delà des limites du Soudan.

La zone touchée, à proximité des localités de Birao et Tissi, est une région instable, au carrefour de trois pays : le Soudan, le Tchad et la République centrafricaine. Des milices armées, des trafiquants et des groupes d’autodéfense y coexistent dans un climat de grande tension, aggravé par la faiblesse des États concernés. L’attaque contre le camp visé, qui accueillait à la fois des populations déplacées et des forces de maintien de la paix, marque une escalade dangereuse.

« Nous redoutions cette extension. La région nord de la RCA devient la nouvelle ligne de front d’un conflit qui ne la concerne pas, mais dont elle paie déjà le prix », confie un responsable humanitaire présent à Birao. De son côté, le gouvernement centrafricain dénonce une violation flagrante de sa souveraineté et demande un renforcement urgent du mandat et des moyens de la MINUSCA.

À N’Djamena, les autorités tchadiennes ont déployé des renforts militaires à l’est, tandis que le Soudan, exsangue, semble avoir perdu le contrôle de ses frontières méridionales. La montée en puissance des RSF dans cette zone stratégique inquiète les chancelleries africaines et les Nations unies, qui redoutent une régionalisation du conflit.

Réuni en urgence mercredi soir, le Conseil de sécurité n’a pas encore annoncé de mesures concrètes. La MINUSCA, déjà affaiblie par le retrait de plusieurs contingents internationaux, fait face à une multiplication des incidents à ses postes avancés. Dans un communiqué commun, l’Union africaine et la CEEAC ont condamné l’attaque et appelé à une réponse concertée pour sécuriser les frontières et protéger les civils.

Sur le terrain, la situation humanitaire se dégrade de jour en jour. Les ONG tirent la sonnette d’alarme : les camps sont surpeuplés, les vivres manquent, et les populations déplacées vivent dans la peur d’une nouvelle incursion. Faute de corridors sécurisés, l’aide peine à arriver. Pour nombre d’observateurs, ce débordement du conflit soudanais au cœur de l’Afrique centrale marque un tournant inquiétant, que les États de la région peinent encore à contenir.

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