Politicien sénégalais, député à l’Assemblée nationale de 2017 à 2022 et maire de la ville de Ziguinchor depuis un an. Il est le président du parti Patriotes du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef). À moins de 50 ans, celui que l’on surnomme « l’opposant » est aussi l’homme qui donne des sueurs froides au président sortant Macky Sall. Explications.
Avec un parcours universitaire excellent et ultra cohérent, Ousmane Sonko méritait sa place d’inspecteur des impôts et des domaines. Et tout a basculé en août 2016 lorsqu’il a brisé le secret professionnel en décidant de livrer à la télévision, sur la chaine TFM les noms des députés et des chefs d’entreprise sénégalais qui ne sont pas en règle avec l’administration fiscale et qui bénéficient d’après lui d’avantages fiscaux. Une information démentie par l’Assemblée nationale et par les « CEO » cités. Provocateur, Ousmane Sonko a commencé sa kabale en citant le nom du propriétaire de la chaine sur laquelle il passait à l’antenne et le nom du petit frère du chef de l’État. C’est dire le côté téméraire du personnage. De là, le fonctionnaire a été relevé de ses fonctions sur ordre du président de la République pour « manquement au devoir de réserve ». Bien qu’il fut déjà président du Pastef et donc opposant du pouvoir en place, c’est de là, considérant comme étant une injustice sa radiation que lui vient cette rage de vaincre le président Macky Sall et d’accéder à la magistrature suprême.
En 2017, plus libre que jamais, il publie « Pétrole et gaz au Sénégal, chronique d’une spoliation », aux Editions Fauves. Un ouvrage dans lequel il s’exprime sur le dossier « Petro-Tim »et dénonce :
« Macky Sall a livré le pays pieds et poings liés aux intérêts étrangers. Je l’accuse d’avoir sciemment violé la Constitution et le Code pétrolier ».
Ousmane Sonko n’a pas peur. Souvent sans preuve, il accuse le président Macky Sall et ses proches : « Il faut arrêter de se raconter des histoires. Nous sommes un pays sous-développé et loin de l’émergence. Nous nous endettons pour nous offrir des infrastructures tape-à-l’œil, mais construire un TER alors que des femmes meurent encore en brousse pour aller accoucher, j’appelle cela de l’incompétence«
Depuis ce leader de l’opposition sénégalaise se livre sans cesse a des confrontations tendues avec le pouvoir. Le 16 février 2023, il a été sorti de force de son véhicule par les forces de sécurité à Dakar. Après avoir résisté quelques instants, il s’est laissé emmener puis a été ensuite reconduit chez lui par les gendarmes. La scène a été filmée.
Ousmane Sonko, l’acharné
2021 marque un nouveau tournant dans la carrière politique d’Ousmane Sonko. Derrière sa silhouette longue et chétive, son petit bouc soigné et son calme apparent se cache l’homme qui en un mot réussit à rassembler les foules et déclencher le chaos. Décembre 2018, en amont de l’élection présidentielle du 24 février 2019, et alors que les deux sérieux opposants de Macky Sall, Khalifa Sall et Karim Wade sont hors jeu, les sénégalais découvrent massivement le visage de Sonko sur des affichettes de campagne, ainsi que son programme politique et ses ambitions pour le Sénégal. Patriotisme économique et rupture avec le franc CFA, lutte pour la souveraineté du Sénégal, et sans surprise, lutte contre la corruption.
Il compte parmi ses adhérents des étudiants, des chômeurs, des cadres de la capitale qui ont en commun leur déception des vieux briscards de la politique. Et, pour une première participation à une présidentielle, Ousmane Sonko, le plus jeune candidat à la magistrature suprême, a réalisé une percée remarquable pour avoir présenté un programme qui lui a permis d’étendre sa représentativité au Sénégal et dans la diaspora. Le leader du Pastef, qui ne doit son siège de député qu’au fameux « que le plus fort reste », a fait passer son taux qui était de 1,15% aux législatives de 2017, à 15,67% à l’occasion du scrutin du 24 février dernier.

Ousmane Sonko, salafiste ?
Le Sénégal est un pays laïc où 96% de la population est musulmane affiliée au soufisme. Les confréries Mouride, Tidiane, Layenne, Niassene, Khadr organisent la vie islamique et définissent, en partie, l’identité du musulman sénégalais. Ces confréries participent à la cohésion sociale et à la stabilité du pouvoir.
Auparavant, président de l’association Jama’atou Ibadou Rahmane (JIR) à l’Université Gaston-Berger de St Louis où il obtint une maîtrise de droit puis un DEA ; Ousmane Sonko depuis que le pouvoir en place, les services de renseignement du pays et ses anciens camarades d’Université témoignent de son attachement profond à cette mouvance salafiste qui prône une logique religieuse et identitaire dangereuse, se revendique finalement appartenir à la confrérie des Mourides.

En 2019, lors de la sortie de son second livre intitulé « Solutions, pour un Sénégal nouveau », il répondait à ses détracteurs : « C’est une question que l’on me pose souvent, mais cela ne me gêne pas. Mais, il faut arrêter la stigmatisation. On m’accuse d’être Ibadou, parce que j’ai la barbe et que mes deux épouses sont voilées ». Oui, Ousmane Sonko est polygame et ne s’en cache pas.
Ousmane Sonko, l’accusé
Depuis février 2021, Adj Sarr, l’ex-employée d’un salon de massage de Dakar accuse l’opposant et candidat à la présidentielle de « viols répétés et menaces de mort ». Ce dossier, source de tensions, a contribué aux émeutes meurtrières de mars 2021. Ousmane Sonko a une nouvelle fois dénoncé le 19 janvier dernier, un « complot politique« , assurant que son renvoi devant un tribunal pour viols présumés ne l’empêcherait pas d’être candidat à la présidentielle de 2024.
En février 2021, le Dr Alfousseyni Gaye a ausculté Adji Sarr, et a établi un certificat médical qui fait état d’une déchirure de l’hymen ancienne. La jeune femme dit avoir été violée à plusieurs reprises par le polygame. Dans une interview adressée à la presse française, elle révélait ses échanges, avec le leader de Pastef :
« Il m’a dit qu’il ne pouvait pas imposer ses préférences sexuelles extrêmes à ses épouses très pieuses «
En mars 2021, Ousmane Sonko s’était rendu accompagné d’une foule massive à une convocation devant un juge dans une affaire de viols présumés, qu’il conteste. Son arrestation en chemin avait provoqué les émeutes les plus graves connues par ce pays depuis des années. Elles avaient fait une douzaine de morts.

Pour l’heure, Ousmane Sonko est en attente du verdict de la justice. Il crie au complot destiné à l’écarter de la présidentielle et à l’instrumentalisation de la justice par le pouvoir du président Macky Sall, ce que ce dernier réfute.
Dans une autre affaire, il est poursuivi par le ministre du Tourisme Mame Mbaye Niang, également responsable du parti présidentiel, pour « diffamation, injures et faux« .
Ousmane Sonko, président ou futur prisonnier ?
Élu le 23 janvier 2022 avec 56,31% sous la bannière de la Coalition Yewwi askan wi (Yaw), et installé le 10 février 2022 en qualité de maire de Ziguinchor (sa région d’origine), la question de l’adoption du budget de l’exercice 2023 marque les premiers échecs de l’homme politique dans le cadre de son mandat. Les Ziguinchorois sont déçus de sa politique et de ses promesses non tenues comme celle de siéger dans la ville au plus près de ses habitants. « Si en tant que maire, Ousmane Sonko ne tient pas ses engagements, comment pourrait-on lui confier les clefs de l’État ? » questionne un citoyen de Zinguinchor.
Pour autant, Ousmane Sonko est classé troisième derrière le candidat sortant, et Idrissa Seck, leader de la coalition «Idy 2019», selon les résultats provisoires du scrutin du 24 février 2019. Aux dernières législatives de juillet 2022, il a perdu Kolda et Sédhiou, dans la Casamance naturelle.
À un an de la présidentielle, le procès en diffamation et l’affaire l’opposant à Adj Sarr retiennent une attention grandissante, les textes prévoyant une radiation des listes électorales, et donc une inéligibilité, dans un certain nombre de cas de condamnation.



