Au Mali, les autorités de transition poursuivent la refonte du paysage politique à marche forcée. Après avoir abrogé la charte régissant les partis le 12 mai, elles ont purement et simplement dissous l’ensemble des formations politiques et organisations assimilées le lendemain. Ce tournant radical a été clarifié le 14 mai par le ministre délégué en charge des Réformes politiques, qui a détaillé les étapes à venir d’un processus de restructuration institutionnelle qui, selon lui, se veut « inclusif ».
Une réforme politique sans partis
La future législation encadrant la création des partis politiques devrait introduire des conditions drastiques : limitation de leur nombre à une poignée d’acteurs, exigences financières renforcées, disparition probable du financement public et du statut de chef de file de l’opposition. Ces mesures, selon le gouvernement, visent à assainir un système gangréné par le « nomadisme politique » et les alliances opportunistes.
Le paradoxe est flagrant : alors que les autorités assurent vouloir associer toutes les « personnalités constructives » à l’élaboration de cette nouvelle loi, les premiers concernés — les partis — sont désormais hors-jeu. Officiellement supprimés, ils n’ont plus aucune légitimité pour participer à un débat dont ils étaient pourtant jusqu’ici les acteurs principaux.
Une classe politique muselée
Les représentants de l’opposition, désormais marginalisés, dénoncent une volonté manifeste de verrouiller le champ politique pour permettre aux militaires de rester au pouvoir sans entrave. Plusieurs personnalités rappellent avoir proposé des réformes crédibles, allant dans le sens d’une rationalisation du système partisan. Des propositions balayées d’un revers de main par les autorités, au motif que les partis seraient devenus un facteur de désordre.
Cette justification ne convainc pas ceux qui, malgré leur marginalisation, entendent continuer la lutte pour le retour à l’ordre constitutionnel. Nombre d’entre eux envisagent de contester juridiquement la décision de dissolution, en saisissant les juridictions compétentes. Pour contourner l’interdiction d’activité politique, ces recours seront portés à titre individuel.
Résister dans la légalité, coûte que coûte
La résistance s’organise, avec prudence. Réunions discrètes, déclarations en préparation, choix stratégiques des mots et des actes… les militants pro-démocratie tentent de se réinventer dans un contexte où la simple prise de parole pourrait être considérée comme subversive.
Un ancien ministre explique que les efforts ne se limitent plus aux seuls partis : « C’est l’ensemble du modèle de gouvernance actuel qui est rejeté. La colère dépasse le cadre politique ». Ce rejet nourrit l’idée d’une mobilisation plus large, citoyenne, hors des schémas classiques de l’opposition institutionnelle.
Répression et intimidations
Les signaux d’une répression assumée sont déjà là. Trois figures de la contestation ont été enlevées ces derniers jours par les services de sécurité et sont toujours portées disparues. Un autre opposant a été blessé dans une attaque à l’arme blanche. Des appels à la violence se sont multipliés sur les réseaux, proférés par des soutiens du régime, sans que les autorités judiciaires n’interviennent.
Malgré les menaces, les partisans d’un retour à l’État de droit refusent de baisser les bras. Plusieurs anciens opposants à la dictature de Moussa Traoré sont en première ligne, rappelant qu’ils ont déjà combattu l’autoritarisme, et qu’ils n’ont pas l’intention de céder.