Depuis le renversement d’Ali Bongo le 30 août 2023, le général Brice Clotaire Oligui Nguema dirige la transition militaire au Gabon. Une transition qui a débouché, le 13 avril dernier, sur son élection à la présidence pour un mandat de sept ans, avec 90,35 % des voix selon les chiffres provisoires du ministère de l’Intérieur. Un sacre politique pour cet officier de carrière, longtemps formé et promu au sein du système Bongo dont il s’est pourtant engagé à s’affranchir — sans rompre totalement avec ses codes et ses habitudes.
Originaire du Haut-Ogooué, la province natale de la dynastie Bongo, Oligui Nguema naît à Ngouoni, près de Franceville. Fils d’un militaire Fang et d’une mère Téké, cousine de la famille présidentielle, il grandit dans l’entourage du pouvoir sans en adopter les fastes. Après des études au Maroc à l’Académie royale militaire de Meknès, il rejoint le cercle rapproché d’Omar Bongo à moins de 30 ans, comme aide de camp. Il accompagne le président jusqu’à ses derniers jours à Barcelone en 2009.
Mis à l’écart après la succession d’Ali Bongo, il est nommé attaché militaire au Maroc puis au Sénégal. En 2019, après une tentative de coup d’État et l’AVC d’Ali Bongo, il est rappelé pour prendre la tête des renseignements de la Garde républicaine, remplaçant Frédéric Bongo. Progressivement, il réinvestit les hautes sphères du régime jusqu’à orchestrer, en 2023, un coup de force sans effusion de sang.
Le discours officiel évoque une volonté de « libérer le peuple ». En réalité, plusieurs sources décrivent surtout un rejet de la mainmise arrogante du clan présidentiel et de sa « young team ». Une ultime humiliation personnelle aurait précipité sa décision.
Quelques jours après sa prise de pouvoir, il annonce vouloir restituer le pouvoir aux civils. Mais la charte de transition lui laisse la possibilité d’être candidat. Rapidement, la Constitution révisée et un dialogue politique verrouillent le jeu électoral. Les principales figures de l’opposition sont écartées. La campagne présidentielle voit se rallier à lui anciens cadres du régime Bongo, opposants de circonstance et figures de la société civile dans un agrégat hétéroclite, dominé par sa personne.
Le récit du « bâtisseur » et du « libérateur » s’impose. La transition multiplie les projets d’envergure : nouvelle compagnie aérienne, infrastructures, aéroport, port en eau profonde… et réactive des symboles forts, comme Africa n°1. Brice Clotaire Oligui Nguema soigne son image : bain de foule au village, danse traditionnelle, renoncement à son salaire présidentiel, défense des communautés rurales. Il maîtrise la communication en puisant dans les imaginaires traditionnels et les références à l’histoire nationale.
Seul aux commandes d’un régime ultra-présidentiel, les défis restent immenses : la dette publique, la soutenabilité des mesures sociales de la transition, le pari sur l’agriculture et la valorisation des ressources naturelles. Des questions se posent : pourra-t-il durablement s’affranchir des anciens barons du PDG ? Que feront ses alliés militaires, désormais bien installés dans les rouages de l’État, si les privilèges venaient à se tarir ?
De son côté, le chef de l’État préfère dérouler son programme : relance agricole, exploitation des matières premières, modernisation des infrastructures et promesse de « restaurer » le pays. Il se présente comme le Josué du Gabon, successeur de Moïse, chargé de conduire son peuple à la terre promise.
En entrant pour sept années au palais du bord de mer — un mandat renouvelable une fois — Brice Clotaire Oligui Nguema troque l’uniforme de la Garde républicaine pour le costume-cravate. Hyper-président d’un régime taillé à sa mesure, il sait qu’en cas d’échec, aucun fusible ne le protégera. Il assume ce risque avec une formule lancée fin mars : « Sur sept ans, on a le temps de tout résoudre. Après sept ans, si rien n’est fait, chassez-moi. »