15.6 C
Paris
mercredi, avril 30, 2025

L’engagement politique au féminin : un chemin semé d’embûches, mais à la portée de toutes !

Entre engagement politique et équilibre de vie, Samia Badat-Karam nous partage son parcours, ses défis et ses conseils pour les femmes en politique.

À lire ou à écouter

Priscilla Wolmer
Priscilla Wolmerhttp://www.54etats.com
FONDATRICE ET DIRECTRICE DU MÉDIA 54 ÉTATS

Samia Badat-Karam est Première adjointe au Maire du 16ème arrondissement de Paris, en charge de l’administration générale, des finances des associations, de l’héritage des Jeux Olympiques et de la Caisse des écoles depuis 2023. Également Conseillère de Paris depuis 2020, elle concilie son engagement politique avec une carrière professionnelle, un équilibre important. Séquence interview.

54 ÉTATS : Qu’est-ce qui vous a poussé à vous engager en politique ; et quels obstacles avez-vous rencontrés en tant que femme dans ce domaine ?

Samia Badat-Karam : Mon engagement politique est né d’un double ancrage : un attachement profond à mon territoire d’origine, l’île de La Réunion, et une volonté sincère de contribuer à l’intérêt général.

J’ai toujours eu envie de travailler dans le domaine régalien, d’être utile à mon pays.

Une de mes devises est celle de JFK : Ne demande pas ce que ton pays peut faire pour toi, demande ce que tu peux faire pour ton pays. Très tôt, j’ai compris que la politique est un levier puissant pour faire avancer les causes qui me prennent à cœur : la justice sociale, l’égalité des chances, et la valorisation des territoires, notamment des Outre-mer. Mais être une femme en politique, c’est souvent devoir faire plus pour être reconnue à égalité. J’ai dû faire face à des stéréotypes. Il m’a fallu imposer ma légitimité dans un monde encore largement structuré autour de codes masculins, mais j’ai aussi rencontré des hommes et des femmes politiques qui m’ont aidée, poussée, accompagnée et qui ont permis que je sois élue aujourd’hui. Et le principal défi, c’est celui de l’équilibre : la conciliation entre vie personnelle, vie professionnelle et engagement politique reste un combat quotidien.

54 ÉTATS : Quels sont les principaux freins qui empêchent encore les femmes d’accéder aux postes de responsabilité ?

Samia Badat-Karam : Les freins sont nombreux mais souvent invisibles. Il y a le poids des stéréotypes : on attend encore des femmes qu’elles soient dans le soutien, pas dans la direction. Il y a le manque de confiance en soi, renforcé par l’absence de modèles féminins accessibles. Il y a aussi surtout les contraintes pratiques : les réunions tardives, les week-ends politiques, la difficulté de concilier cela avec une vie de famille.

Pour moi, c’est LA vraie difficulté : concilier vie politique et vie familiale épanouie.

Certaines femmes politiques réussissent à avoir des carrières aussi prestigieuses que les hommes, mais souvent hélas au détriment de leurs enfants. À cela s’ajoute une forme d’auto-censure. Beaucoup de femmes se demandent si elles pourront assumer un mandat politique en plus de leur rôle de mère.

Au-delà des réformes sur les quotas de femmes en politique, il faudrait se pencher sur les rythmes et les horaires des réunions politiques qui ont trop souvent lieu le soir et le week-end, ce qui pénalise les mères de famille qui voudraient s’engager en politique.

54 ÉTATS : Quelles sont, selon vous, les femmes pionnières qui ont marqué la politique en France et qui vous ont inspirée dans votre parcours ?

Samia Badat-Karam : Simone Veil est une figure incontournable. Elle a incarné la dignité, la force tranquille et le courage dans un contexte extrêmement difficile. Elle a ouvert une voie pour toutes les femmes en politique.

Christiane Taubira m’a aussi beaucoup inspirée par sa liberté de ton, son intelligence et sa capacité à tenir la tête avec grâce et fermeté. Je ne partage pas ses opinions politiques, mais son éloquence et le fait qu’elle vienne des outre-mer m’ont toujours inspiré beaucoup de fierté.

Mais je pense aussi à des figures plus proches, souvent invisibles : ces femmes de terrain, élues locales ou militantes, qui transforment leur communauté sans chercher la lumière.

54 ÉTATS : Quels conseils donneriez-vous aux jeunes femmes qui souhaitent s’engager en politique ?

Samia Badat-Karam : Je leur dirais : osez !

Ne laissez personne vous dire que vous n’êtes pas capable. La politique a besoin de femmes libres, courageuses et sincères.

Une chose importante que je dirai aux femmes est d’avoir un métier qui leur permette de vivre et de s’assumer financièrement, car la politique, ce sont des mandats politiques éphémères par définition. Non seulement elles doivent avoir un métier en parallèle, mais surtout ne pas l’abandonner quand elles sont élues. Toujours garder son indépendance, sa liberté.

54 ÉTATS : Malgré des avancées législatives, la représentation des femmes à l’Assemblée nationale a récemment diminué. Comment expliquez-vous ce recul et quelles mesures préconisez-vous pour inverser cette tendance ?

Samia Badat-Karam : Ce recul est le signe d’un désengagement inquiétant des partis sur la question de la parité.

Trop souvent, les femmes sont positionnées sur des circonscriptions difficilement gagnables.

Il manque une volonté politique réelle d’appliquer la parité au-delà du minimum légal.

54 ÉTATS : Bien que les femmes représentent une part significative des conseillers municipaux, elles restent minoritaires aux postes de maires. Selon vous, quelles sont les raisons de cette sous-représentation aux postes exécutifs locaux et comment y remédier ?

Samia Badat-Karam : Être maire, c’est incarner l’autorité, la proximité, le pouvoir local. Ce rôle est encore perçu, inconsciemment, comme « masculin ». Les femmes sont souvent reléguées à des délégations dites « douces » : culture, éducation, solidarité, affaires scolaires.

Pour y remédier, il faut briser ces assignations et encourager les femmes à se présenter comme têtes de listes. Il faut également un accompagnement renforcé, dès l’entrée en politique, pour les aider à construire leur leadership. Et enfin, nous devons valoriser la réussite des femmes maires, en faisant des modèles.

54 ÉTATS : Le gouvernement actuel, bien que paritaire, présente une sous-représentation des femmes aux postes de plein exercice. Que suggérez-vous pour assurer une véritable égalité dans l’attribution des portefeuilles ministériels ?

Samia Badat-Karam : Une parité réelle ne peut pas se limiter aux chiffres. Il faut répartir équitablement les portefeuilles régaliens, économiques, stratégiques. Tant que les femmes seront cantonnées aux ministères « sociaux » ou aux postes de second rang, nous n’aurons pas atteint l’égalité. Je propose qu’un indicateur public mesure la « puissance politique » réelle des femmes au gouvernement : type de ministère, budget, nombre de collaborateurs, exposition médiatique… Cela permet une évaluation plus fine et plus honnête de la parité.

54 ÉTATS : La loi impose la parité dans certaines instances, mais sans contrainte légale, les femmes restent souvent exclues des postes de pouvoir. Pensez-vous que des mesures supplémentaires sont nécessaires pour garantir une représentation équitable des femmes dans toutes les sphères politiques ?

Samia Badat-Karam : Oui. Les lois actuelles sont nécessaires mais insuffisantes. Sans contraintes supplémentaires, les femmes continueront d’être exclues des cercles de pouvoir. Il faut renforcer la transparence dans les nominations, conditionner certains financements publics à des engagements paritaires, et surtout, instaurer une culture de l’égalité. Mais au-delà des lois, c’est aussi un changement de mentalités qu’il faut opérer : faire comprendre que la mixité n’est pas un luxe ou un symbole, mais une richesse et une nécessité démocratique.

54 ÉTATS : Et le mot de la fin ?

Samia Badat-Karam : Encore et toujours encourager les femmes à faire le maximum d’études si elles le peuvent ; être indépendantes financièrement ; ne pas hésiter à s’engager en politique en militant auprès des partis politiques, les mandats d’élue sont accessibles à toutes, pour peu qu’elles en aient la volonté.

Le monde n’a pas besoin de femmes parfaites, il a besoin de femmes déterminées !

- Events -spot_img

Plus d'articles

- Evénements -spot_img

Dernières actualités