La Libye a annoncé le lancement d’un appel d’offres pour l’exploitation de nouveaux blocs pétroliers, une première depuis 17 ans. Cette initiative a été dévoilée lundi 3 mars par Masoud Suleiman, président par intérim de la Compagnie Nationale du Pétrole (NOC). Avec cette ouverture aux investisseurs étrangers, le pays cherche à moderniser son secteur énergétique et à relancer l’exploration, malgré un contexte politique et sécuritaire fragile.
Longtemps confrontée à l’instabilité, la Libye peine à maintenir une production pétrolière stable, les affrontements entre factions rivales entraînant régulièrement la fermeture de sites d’extraction. Ces interruptions sont justifiées par les autorités comme des « cas de force majeure », rendant difficile toute planification à long terme.
Malgré ces défis, plusieurs multinationales ont repris leurs activités d’exploration. En 2023, des compagnies comme l’italienne Eni, l’OMV autrichienne et la britannique BP ont relancé leurs opérations en Libye. En janvier de la même année, Eni a signé un accord de 8 milliards de dollars avec la NOC pour développer la production gazière du pays.
Une relance stratégique malgré les incertitudes
Le gouvernement d’Abdelhamid Dbeibah ne souhaite pas attendre la mise en place d’une nouvelle administration issue d’élections pour attirer davantage d’investissements étrangers. Le Premier ministre insiste sur l’importance du développement du secteur gazier, avertissant que le pays pourrait faire face à une crise énergétique si des mesures ne sont pas prises rapidement.
Toutefois, la gestion des revenus pétroliers suscite des interrogations. De nombreuses voix, y compris au sein des instances internationales, réclament plus de transparence, sans pour autant obtenir de réponses claires de la part des autorités de Tripoli.
Pétrole et tensions géopolitiques
L’appel d’offres suscite des inquiétudes au sein de la population. Certains Libyens craignent que les revenus du pétrole ne continuent d’alimenter les rivalités entre groupes armés et de renforcer la corruption omniprésente dans le pays. Le rôle des milices dans la gestion des ressources pétrolières reste un sujet sensible, d’autant plus que certaines sont accusées d’entretenir des circuits de contrebande.
L’ouverture du secteur pourrait également attiser les tensions avec des acteurs régionaux et internationaux soucieux de préserver leurs intérêts en Libye. L’accord signé en 2019 avec la Turquie pour l’exploration gazière en Méditerranée avait provoqué de vives réactions en Égypte et en Grèce, illustrant la dimension géopolitique de ces enjeux énergétiques.
Un climat d’incertitude juridique et institutionnelle
Des figures politiques libyennes expriment aussi leur opposition à cet appel d’offres. Selon le député Abou Salah Chalabi, lancer de nouveaux projets pétroliers dans un contexte de crise sécuritaire viole les législations en vigueur et ne ferait que prolonger la mainmise du gouvernement de Tripoli sur les ressources du pays.
En janvier 2025, Khalifa Abdel Sadek, ministre par intérim du Pétrole, avait estimé que la Libye nécessitait entre 3 et 4 milliards de dollars d’investissements pour atteindre une production de 1,6 million de barils par jour, avec un objectif de 2 millions d’ici 2027. Toutefois, les divisions internes fragilisent la gouvernance du secteur : la NOC est dirigée par un président par intérim, et le poste de ministre du Pétrole fait l’objet de querelles juridiques après la destitution de son prédécesseur.
Objectif : 2 millions de barils par jour
La production actuelle de la Libye dépasse 1,4 million de barils par jour, mais le pays bénéficie d’une exemption des quotas de l’OPEP, lui permettant d’ajuster son extraction sans contrainte. Toutefois, cette dynamique pourrait être freinée par l’instabilité persistante et les incertitudes sur la légitimité des contrats signés avec des acteurs étrangers.
Alors que Tripoli cherche à séduire de nouveaux investisseurs, ces derniers restent prudents face aux tensions politiques et aux rivalités internes qui continuent de peser sur l’avenir du secteur pétrolier libyen.