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vendredi, mars 28, 2025

Dakar, ville hors de prix : la classe moyenne repoussée en périphérie

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Aïssatou Faye-Johnson
Aïssatou Faye-Johnson
Correspondante au Sénégal

Face à la flambée des loyers et à une offre immobilière dominée par le haut standing, la classe moyenne dakaroise est contrainte de migrer vers la banlieue. Entre incitations fiscales pour les promoteurs et politiques de logement social, les autorités cherchent des solutions.

Laye Gueye, entrepreneur, a fait le choix de quitter Dakar avec sa femme et ses quatre enfants pour s’installer à Keur Massar. « J’ai pu acheter un terrain et construire ma propre maison, ce qui aurait été impossible en restant dans la capitale. Nous avons gagné en espace, mais au prix d’un temps de trajet allongé et d’un accès plus limité aux infrastructures de la ville », explique-t-il. Son parcours illustre une réalité grandissante : le centre-ville devient inaccessible pour une grande partie de la population.

Une demande exponentielle, une offre limitée

Dakar, ville en perpétuelle expansion, voit sa population frôler les 4 millions d’habitants, alimentant ainsi une pression immobilière croissante. Selon Magazine Immobilier Sénégal, l’offre annuelle de logements neufs (environ 5 000) est largement insuffisante face à une demande estimée à 400 000. Les prix des terrains ont triplé en une décennie, portés par la rareté des espaces constructibles et la spéculation foncière.

Pour tenter de juguler cette crise, le secrétaire d’État à l’Urbanisme et au Logement, Momath Talla Ndao, a annoncé en avril une stratégie basée sur la baisse de la TVA pour encourager les promoteurs à réduire le coût des loyers et sur le renforcement des logements sociaux.

Le logement social, une priorité réaffirmée

Longtemps délaissées, les politiques de logement social ont refait surface sous l’impulsion du projet des 100 000 logements de l’ancien président Macky Sall. Toutefois, leur efficacité reste relative, les critères d’éligibilité et les modalités de financement étant souvent inadaptés aux réalités économiques des ménages modestes. Le président Bassirou Diomaye Faye a réaffirmé en juillet 2024 son intention de renforcer la Sicap, acteur clé du logement social, afin de mieux répondre à l’urgence sociale liée au coût du logement.

Un marché difficile à réguler

La régulation des loyers reste un défi majeur. En 2014, une tentative de contrôle des prix avait échoué en raison de « pratiques abusives de certains bailleurs et promoteurs », selon les autorités. En 2023, l’État a mis en place la Commission nationale de la régulation des loyers du Sénégal (Conarel), chargée d’encadrer les prix et de faire respecter un décret de baisse des loyers. Toutefois, l’insuffisance des contrôles limite l’efficacité de ces mesures, alors que les loyers absorbent entre 34 et 37 % des revenus des ménages.

Décongestionner Dakar, un impératif

Face à la saturation de la capitale et de sa proche banlieue (Pikine, Parcelles, Keur Massar, Rufisque), l’exécutif mise sur la décentralisation. L’un des projets phares de cette stratégie est la ville nouvelle de Diamniadio, située à une heure de Dakar, appelée à accueillir de nombreuses institutions et ministères.

Outre la question du logement, l’urbanisation rapide de Dakar s’accompagne d’une raréfaction des espaces verts, pourtant essentiels à la qualité de vie et à l’équilibre écologique. L’Organisation mondiale de la santé recommande qu’un individu ait accès à au moins un demi-hectare d’espace vert à moins de 300 mètres de son domicile, un seuil loin d’être atteint dans la capitale sénégalaise.

Alors que Dakar continue de s’étendre, l’enjeu reste de concilier développement urbain et préservation de l’environnement, tout en garantissant un accès au logement pour tous.

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