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vendredi, mars 28, 2025

Manon Montessuit : Allier créativité et zéro gaspillage, une recette pour l’avenir

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Priscilla Wolmer
Priscilla Wolmerhttp://www.54etats.com
FONDATRICE ET DIRECTRICE DU MÉDIA 54 ÉTATS

À l’occasion de la conférence internationale sur le gaspillage alimentaire, organisée par la Mairie de Courbevoie le 31 janvier, Manon Montessuit, entrepreneure et spécialiste du pâté-en-croûte, répond à l’invitation d’Arash Derambarsh, maire adjoint de Courbevoie et militant de la première heure dans la lutte contre le gaspillage alimentaire. Dans cette table ronde, elle partagera son engagement pour une production responsable et une créativité culinaire alliée au zéro gaspillage. Nous avons pu échanger avec elle sur les pratiques durables qu’elle met en place chez NONAM, son atelier de charcuterie artisanale, et ses idées pour inspirer d’autres professionnels du secteur.

54 ÉTATS : Manon, comment parvenez-vous à conjuguer créativité et zéro gaspillage dans votre travail quotidien ?

Manon Montessuit : Chez NONAM, j’ai fait le choix de n’utiliser que des produits de saison et de privilégier le modèle de production sur commande, ce qui me permet de créer des recettes originales en jouant avec les ingrédients du moment, tout en évitant de surproduire. Mon engagement zéro gaspillage alimentaire commence avant même de mettre la main à la pâte : je dialogue avec mes clients pour évaluer leurs besoins précis, je planifie mes approvisionnements avec mes producteurs locaux, et j’intègre systématiquement ce critère « zéro perte » dans mes réflexions créatives. Paradoxalement, ce cadre me pousse à être plus inventive. Je dois composer avec ce que la nature m’offre à un instant T, trouver des idées pour valoriser chaque morceau de viande, chaque fruit, chaque légume. Ainsi, créativité et zéro gaspillage deviennent des alliés.

La contrainte saisonnière nourrit l’imagination, et le fait de n’utiliser que ce dont j’ai besoin évite le gaspillage

Au final, j’ai la satisfaction de proposer des produits uniques, en totale harmonie avec mes valeurs.

54 ÉTATS : Quelles pratiques simples pourraient être adoptées par d’autres professionnels de la restauration pour limiter le gaspillage alimentaire ?

Manon Montessuit : De mon point de vue, plusieurs actions concrètes et accessibles peuvent être mises en place. Produire ou commander juste ce qu’il faut est essentiel. En se basant sur des estimations réalistes et en restant en contact étroit avec ses fournisseurs et clients, on réduit mécaniquement le surplus. Travailler des produits de saison est une autre pratique efficace. Cela permet non seulement de réaliser des économies, mais aussi d’éviter de stocker des denrées hors saison, souvent plus fragiles et coûteuses.

Il est également important de valoriser les « bas morceaux » et les restes. En cuisine, il existe mille façons de sublimer les chutes ou les pièces moins nobles, que ce soit dans des sauces, terrines, pâtés ou plats cuisinés. Une meilleure communication avec les équipes est essentielle pour sensibiliser et former le personnel à la gestion des stocks, au respect de la chaîne du froid et à l’optimisation des préparations. Enfin, donner ou proposer des solutions pour les invendus est une solution à envisager. Si un surplus persiste, on peut recourir à des applications anti-gaspi, organiser des ventes flash ou nouer des partenariats solidaires.

Chaque professionnel doit trouver sa propre formule, mais l’essentiel est de commencer par de petits gestes et d’être cohérent avec ses objectifs d’entreprise. Personne n’aime jeter, mais il faut oser remettre en question certaines pratiques pour que le changement devienne bénéfique, tant sur le plan économique qu’écologique.

Chèvre-Epinards

54 ÉTATS : On vous connaît comme la spécialiste du pâté-en-croûte. Parlez-nous de NONAM et de son histoire.

NONAM est né d’une envie profonde de revisiter le pâté-en-croûte, un emblème de la gastronomie française, pour lui donner un souffle nouveau

Manon Montessuit : Après une licence en Management Hôtelier et plusieurs expériences professionnelles dans l’hôtellerie-restauration autour du monde, j’ai réalisé à quel point j’aimais la tradition tout en ayant envie d’innover. En 2021, j’ai décidé de me reconvertir et de passer un CAP Charcutier-Traiteur pour maîtriser toutes les bases.

En 2022, j’ai obtenu le titre de vice-championne de France de pâté-en-croûte pendant mon année de CAP. Puis, en octobre 2023, j’ai lancé NONAM à Courbevoie, avec un modèle de production sur commande, sans aucun additif, en privilégiant les produits de saison et l’approvisionnement local. Deux mois après l’ouverture, j’obtenais le Prix Artisanat du concours Créatrices d’Avenir, puis j’étais finaliste d’un concours organisé par Thierry Marx un an plus tard. Mon objectif est d’offrir aux professionnels une charcuterie artisanale haut de gamme, respectueuse des valeurs de durabilité et de transparence, tout en surprenant par des recettes créatives. J’ouvre prochainement les ventes aux particuliers dans toute la France. Une affaire à suivre de près.

54 ÉTATS : Le fait d’être une femme a-t-il eu une quelconque influence sur votre façon d’aborder ou de mener votre projet ?

Manon Montessuit : Honnêtement, oui. La charcuterie est encore un milieu très masculin, où les charcutières sont souvent femme ou fille de charcutier.

Être l’une des rares femmes à se lancer dans ce secteur, sans attache familiale, m’a poussée à être encore plus rigoureuse et déterminée

Je ressentais le besoin de prouver que les femmes ont toute leur place dans cet univers technique et exigeant.

54 ÉTATS : Avez-vous déjà subi du sexisme en tant que femme entrepreneure ?

Manon Montessuit : Il m’est arrivé de faire face à des remarques condescendantes ou à des comportements surprenants, surtout quand j’ai sollicité des financements ou des partenariats. On m’a parfois fait comprendre qu’il serait plus simple d’avoir un associé masculin ou de trouver un conjoint dans le métier pour être soutenue. Je prends ces épreuves comme des défis et des challenges à relever.

Aujourd’hui, je préfère voir ces obstacles comme des occasions de prouver que les femmes peuvent réussir et innover dans des secteurs dits traditionnels

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