Les autorités militaires du Mali, du Burkina Faso et du Niger ont fermement rejeté la période de transition de six mois fixée par la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) pour organiser leur retrait de l’organisation. Cette décision, prise il y a huit jours par les chefs d’État de la Cédéao, visait à permettre des négociations et une sortie coordonnée, mais elle a été vivement critiquée par les trois pays, qui pointent des ingérences extérieures.
Affichant les armoiries des trois pays membres, le communiqué officiel de l’Alliance des États du Sahel (AES) a été lu à la télévision par le Colonel Amadou, proche collaborateur d’Assimi Goïta. Intitulé « Déclaration des chefs d’État », ce texte critique fermement le délai de six mois fixé par la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao), accusée de chercher à affaiblir l’AES à travers des ingérences externes.
« La décision de prolonger pour six mois le retrait du Burkina Faso, du Mali et du Niger de la Cédéao s’inscrit dans une logique de déstabilisation orchestrée pour fragiliser notre alliance », a déclaré le colonel Amadou.
Focalisation sur la sécurité
Malgré leurs critiques ouvertes envers la Cédéao, les dirigeants des trois pays n’ont fait aucune annonce diplomatique concernant le rappel de leurs fonctionnaires travaillant au sein de l’organisation régionale. Ils mettent toutefois l’accent sur les enjeux sécuritaires : « Le collège des chefs d’État de l’AES décide de placer les forces de défense et de sécurité en état d’alerte maximale et appelle les populations à redoubler de vigilance face aux tentatives de recrutement par des groupes terroristes », précise le communiqué.
En dénonçant ce qu’ils qualifient de « manœuvres de déstabilisation menées par une minorité de chefs d’État influencés par des agendas extérieurs », les dirigeants de l’AES semblent fermer la porte à une médiation, pourtant envisagée par certains membres de la Cédéao.
Une stratégie d’escalade calculée
Selon Paul Simon Handy, analyste à l’Institut d’Études et de Sécurité (ISS) basé à Addis-Abeba, la posture de l’AES s’inscrit dans une stratégie délibérée : « S’opposer frontalement à la Cédéao et rejeter son autorité leur permet de justifier des actions visant à consolider leur pouvoir. En évoquant des ingérences étrangères, ils projettent l’image d’une résistance souveraine, mais les véritables enjeux sont liés à leur volonté d’échapper au contrôle de l’organisation sur des processus électoraux à venir. »
Cependant, certains observateurs, comme Ismael Sacko, opposant malien et président du Parti Social-Démocrate Africain, estiment que cette position est contradictoire : « Les annonces des dirigeants de l’AES sont en décalage avec leurs propres engagements passés. Cette tentative de prolongation de leur pouvoir pourrait refléter un sentiment de perte de contrôle et une difficulté à rallier l’adhésion populaire au sein de leurs nations respectives. »
Ce climat tendu laisse présager un durcissement des relations entre la Cédéao et l’AES, avec des répercussions potentiellement significatives pour la stabilité régionale.


