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jeudi, mai 15, 2025

Référendum constitutionnel au Gabon : enjeux et perspectives d’une réforme historique

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Aïssatou Faye-Johnson
Aïssatou Faye-Johnson
Correspondante au Sénégal

Le Gabon s’apprête à vivre un tournant politique majeur. Ce dimanche, 848 000 citoyens gabonais sont appelés à voter lors d’un référendum pour approuver ou rejeter un projet de nouvelle Constitution. Les bureaux de vote ouvriront à 7h et fermeront à 18h. Ce texte propose une refonte complète du régime politique, en établissant un régime présidentiel et en abandonnant le régime semi-parlementaire en vigueur depuis des décennies.

Une réforme au cœur du débat

Parmi les mesures phares, le mandat présidentiel passerait à sept ans renouvelable une seule fois. Seuls les Gabonais âgés de 35 à 70 ans pourraient désormais se porter candidats à la magistrature suprême. Le texte prévoit également la suppression du poste de Premier ministre, concentrant les pouvoirs exécutifs entre les mains du président, assisté de deux vice-présidents.

Les modifications proposées visent, selon leurs promoteurs, à garantir la stabilité institutionnelle et à renforcer l’alternance politique, notamment grâce à une stricte limitation du nombre de mandats. Cependant, elles suscitent des inquiétudes sur l’éventuelle concentration excessive des pouvoirs entre les mains du chef de l’État.

Une campagne animée mais inégale

La campagne pour le référendum a connu une montée en intensité progressive. Les partisans du « Oui », emmenés par des figures politiques comme le Premier ministre de transition Raymond Ndong Sima, ont parcouru le pays pour défendre un texte présenté comme une réponse aux dérives de l’ère Bongo. Ils mettent en avant la volonté populaire exprimée lors du dialogue national d’avril, qui a servi de base à la rédaction de ce projet.

Face à eux, les partisans du « Non », bien que moins visibles sur le terrain, ont investi massivement les réseaux sociaux pour mobiliser l’opinion. Des figures comme Pierre Claver Maganga Moussavou, Albert Ondo Ossa et Alain Claude Bilie-By-Nze dénoncent un projet qu’ils considèrent comme exclusif et dangereux. Selon eux, les nouvelles conditions d’éligibilité et la concentration des pouvoirs risquent de réduire l’espace démocratique et de renforcer une gouvernance autocratique.

Un texte controversé

Le projet de Constitution introduit plusieurs nouveautés significatives :

  • Concentration des pouvoirs : le président serait l’unique détenteur du pouvoir exécutif et pourrait dissoudre l’Assemblée une fois durant son mandat.
  • Indépendance judiciaire relative : bien qu’affirmée dans le texte, elle est tempérée par le rôle du président à la tête du Conseil supérieur de la magistrature.
  • Conditions d’éligibilité renforcées : obligation pour les candidats d’être nés de parents gabonais eux-mêmes issus de parents gabonais.

Des dispositions symboliques ont également été introduites, comme l’interdiction pour le conjoint ou les descendants d’un président sortant de lui succéder, une référence explicite aux critiques sur la gestion dynastique des Bongo.

Une consultation déterminante

Ce référendum, qui intervient en pleine saison des pluies et en période scolaire, a conduit le gouvernement à décréter deux jours fériés pour faciliter les déplacements des électeurs vers leurs bureaux de vote. Bien que la campagne se soit déroulée globalement dans le calme, les clivages restent profonds.

Les enjeux sont de taille pour le Gabon, à l’aube d’une nouvelle ère politique. Cependant, comme l’ont souligné certains observateurs, la réussite de cette réforme dépendra autant du contenu des articles que de leur mise en œuvre, et surtout des acteurs appelés à les appliquer.

Une question reste ouverte : ce projet marque-t-il réellement un tournant démocratique ou ouvre-t-il la voie à une concentration du pouvoir au sommet ?

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