L’Afrique face à la crise énergétique mondiale : le gaz comme enjeu stratégique. Depuis le déclenchement des hostilités entre la Russie et l’Ukraine, les pays africains se trouvent à un carrefour stratégique où les enjeux énergétiques se mêlent aux réalités économiques et géopolitiques mondiales. Alors que l’Europe cherche à réduire sa dépendance au gaz russe, l’Afrique, riche en ressources gazières, se présente à la fois comme une opportunité et un défi majeur pour le continent.
Une opportunité à saisir dans un contexte de crise. Le conflit russo-ukrainien a mis en lumière la vulnérabilité de l’Europe face à sa dépendance énergétique. Selon l’Agence Internationale de l’Énergie (AIE), l’Union européenne importait environ 40 % de son gaz naturel de Russie avant le début des hostilités. Cette situation a incité les pays européens à rechercher des sources alternatives d’approvisionnement, offrant ainsi une porte d’entrée pour les exportateurs africains. L’Afrique détient certaines des plus grandes réserves de gaz naturel au monde, notamment en Algérie, Nigeria, Mozambique, République Démocratique du Congo, Cameroun, Gabon, Guinée équatoriale, Angola, Sénégal, Mauritanie et Tanzanie.
Akinwumi Adesina, président de la Banque africaine de développement, souligne que « l’Europe cherche des sources alternatives d’approvisionnement en gaz, et l’Afrique possède le potentiel pour répondre à cette demande. » Le Nigeria, premier producteur de pétrole du continent, dispose de vastes réserves de gaz. Un projet ambitieux de « gazoduc transsaharien » vise à connecter les champs de production nigérians aux pipelines algériens, passant par le Niger, pour atteindre finalement le marché européen. Relancé en février, ce chantier nécessite un investissement colossal estimé entre 13 et 15 milliards de dollars.
Des infrastructures à moderniser. Cependant, malgré ce potentiel, l’Afrique est confrontée à des défis majeurs, notamment des infrastructures vieillissantes ou inexistantes. Les investissements nécessaires pour moderniser les infrastructures gazières sont colossaux, et le contexte international actuel complique l’accès aux financements. De plus, les projets d’envergure comme le gazoduc transsaharien sont souvent ralentis par des problèmes de sécurité. La région du delta du Niger, par exemple, est sujette à des sabotages menés par des bandes armées, rendant la sécurisation des infrastructures coûteuse et complexe.
Au Mozambique, les réserves sous-marines découvertes en 2010 ont le potentiel de propulser le pays parmi les dix premiers producteurs mondiaux de gaz naturel liquéfié (GNL). Toutefois, une insurrection djihadiste dans la province du Cabo Delgado a gelé les projets d’exploitation, poussant des entreprises comme TotalEnergies à suspendre leurs investissements.
L’Afrique centrale : Un potentiel sous-exploité. L’Afrique centrale, bien que moins souvent mentionnée que d’autres régions du continent, possède un potentiel significatif en matière de gaz naturel. Des pays comme le Cameroun, le Gabon, la République du Congo et la Guinée équatorialedétiennent des réserves substantielles et travaillent activement à développer leurs capacités d’exportation. Par exemple, le Cameroun développe des projets offshore pour augmenter ses exportations vers l’Europe et l’Asie, tandis que la République du Congo cherche à attirer des investissements étrangers malgré les défis sécuritaires.
Diversification et développement durable : un impératif pour l’Afrique. La dépendance accrue au secteur gazier pose également la question de la diversification économique. De nombreux pays africains dépendent excessivement de leurs ressources naturelles, ce qui les rend vulnérables aux fluctuations des marchés mondiaux. Abebe Aemro Selassie, directeur du département Afrique du Fonds monétaire international (FMI), met en garde : « Si le gaz attire une vague de nouveaux investissements, il est crucial de s’assurer que ces fonds contribuent réellement à la diversification et à l’industrialisation des économies locales. »
En outre, l’exploitation du gaz doit être envisagée dans une perspective de développement durable. La transition énergétique mondiale vers des sources plus propres impose aux pays producteurs africains de concilier exploitation des ressources et protection de l’environnement. Des initiatives visant à investir dans des technologies de capture et de stockage du carbone, ainsi qu’à promouvoir les énergies renouvelables, sont essentielles pour garantir une croissance économique respectueuse de l’écosystème.
Conclusion : un avenir prometteur mais incertain. L’Afrique se trouve à une étape déterminante de son développement énergétique. Le gaz naturel représente une opportunité majeure pour soutenir la croissance économique et répondre à la demande énergétique mondiale. Toutefois, les défis liés aux infrastructures, à la sécurité et à la diversification économique nécessitent une approche stratégique et concertée. Avec des investissements adéquats et une gouvernance transparente, le continent africain peut tirer parti de ses ressources gazières tout en construisant un avenir énergétique durable et prospère.