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dimanche, février 9, 2025

Rwanda : L’extraction du gaz méthane du lac Kivu, une énergie à double tranchant

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Priscilla Wolmer
Priscilla Wolmerhttp://www.54etats.com
FONDATRICE ET DIRECTRICE DU MÉDIA 54 ÉTATS

Au cœur de l’Afrique centrale, le Rwanda a réalisé un bond impressionnant dans l’accès à l’énergie, passant de 6 % des ménages raccordés il y a quinze ans à 75 % aujourd’hui. Une avancée rendue possible grâce à l’exploitation du gaz méthane caché sous les eaux du lac Kivu, un vaste bassin naturel de 2 700 km² qui forme la frontière entre le Rwanda et la République Démocratique du Congo.

À 6 kilomètres des côtes rwandaises, quatre plateformes flottantes pompent en continu ce gaz méthane, stocké dans les profondeurs du lac, pour le convertir en électricité. Si l’on observe ce paysage tranquille depuis la navette traversant les eaux, il est difficile d’imaginer le danger qui se cache sous la surface. En effet, les conditions géologiques et chimiques du lac en font une véritable menace pour les quelque deux millions de riverains. Le méthane et le dioxyde de carbone (CO2), emprisonnés dans les profondeurs, pourraient causer un désastre s’ils venaient à s’échapper.

Un environnement à haut risque

Cette zone sismique, avec ses huit volcans dont deux encore en activité, n’exclut pas le risque d’un événement catastrophique. En mai 2021, l’éruption du volcan Nyiragongo, situé en RDC, a ravivé les craintes d’un déversement de lave dans le lac. Fort heureusement, aucun gaz n’est remonté à la surface. Cependant, les centaines de secousses qui ont suivi ont rappelé la fragilité de la situation. Aujourd’hui, le site est équipé de multiples détecteurs de gaz pour prévenir tout risque de fuite.

L’exploitation du méthane n’est pas sans rappeler un autre lac « explosif », celui de Nyos au Cameroun, où une éruption limnique en 1986 a libéré un nuage toxique, causant la mort de 1 700 personnes. Ce précédent impose une vigilance constante sur le lac Kivu, où les mêmes éléments sont présents.

Exploiter une ressource risquée pour l’électricité

Pour diminuer les risques, le Rwanda a mis en place un système d’extraction régulière du méthane. Après une phase pilote en 2010, le projet Kivuwatt, mené par la société américaine ContourGlobal, a vu le jour. Cette centrale produit 26 MW depuis 2016, et est aujourd’hui renforcée par la nouvelle centrale SPLK, qui contribue également à l’approvisionnement énergétique du pays.

Le méthane est désormais un élément central de la stratégie énergétique rwandaise. Alors que le pays s’était fixé pour objectif un accès universel à l’électricité d’ici 2024, il a atteint 75 % de couverture. Un progrès impressionnant, même si la demande ne suit pas toujours. En effet, 15 % des ménages connectés n’utilisent pas régulièrement l’électricité, posant un défi financier au gouvernement, qui doit honorer les contrats passés avec les producteurs privés.

Des enjeux énergétiques et économiques majeurs

Malgré ces défis, le Rwanda continue de miser sur l’exploitation de cette ressource unique au monde, avec une ambition claire : fournir une énergie plus propre et plus accessible. Les anciennes centrales au diesel ont d’ailleurs été fermées en 2023, laissant place à cette source d’énergie moins coûteuse.

Sur la rive congolaise du lac, la République Démocratique du Congo exprime également son intérêt pour l’exploitation des ressources du lac Kivu, mais aucun projet concret n’a encore été lancé pour répondre à ses immenses besoins énergétiques tant la population des environs s’agite, milite et se soulève pour rejeter cette idée par crainte pour l’environnement.

L’exploitation du méthane du lac Kivu, bien qu’ambitieuse et innovante, reste une entreprise à haut risque. Le Rwanda continue d’avancer, tout en gardant à l’esprit les dangers potentiels de cette ressource énergétique à double tranchant.

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