Face à un conflit juridique complexe qui met en lumière des pratiques douteuses au sein du système judiciaire congolais, la stabilité de la Shituru Mining Corporation (SMCO SAS) et les emplois de ses travailleurs sont gravement menacés. Les syndicats de l’entreprise ont lancé un appel urgent au Président de la République Démocratique du Congo, dénonçant les procédures de saisies irrégulières initiées par Maître Mwamba Bukasa Joël, un avocat dont les méthodes soulèvent des questions sur l’intégrité du processus judiciaire. Ce litige d’honoraires, qui révèle un potentiel cas de corruption, s’inscrit dans un contexte où le ministère de la Justice, sous la direction du nouveau garde des Sceaux, Constant Mutamba, s’efforce de redresser une justice fragilisée par des réseaux mafieux. Pour mieux comprendre les implications de cette affaire, nous avons interrogé Maître Dieu Merci Baziluka, (avocat au Barreau de Kinshasa/Gombe et Conseil à la CPI) représentant légal de SMCO SAS, afin de recueillir son point de vue sur ce conflit et de clarifier les actions envisagées pour protéger l’entreprise et ses employés.

54 ÉTATS : Maître Baziluka, pouvez-vous nous expliquer en détail la nature du conflit entre la Shituru Mining Corporation et Maître Mwamba Bukasa Joël ?
Maître Baziluka : Le Cabinet Pulusi Hugues Eka représenté par Maître Mwamba Bukasa Joël, avocat au barreau de Kinshasa/Matete avait été mandaté par Shituru Mining Corporation, société par action simplifiée, pour engager une procédure en mainlevée des Avis à Tiers Détenteurs (ATD). Concrètement, cela concerne une saisie des comptes bancaires de Shituru par la Direction générale des Impôts suite à un retard fiscal. Pour cette procédure, les honoraires avaient été fixés à 15 000 dollars, et ont été payés de manière échelonnée. La société Shituru a été choquée et indignée de recevoir, le 14 avril 2024, une note d’honoraires globale de plus de 20 millions de dollars.
Je tiens à préciser que nous sommes dans un domaine particulier, celui des créances. La fixation, le paiement et le recouvrement des honoraires sont encadrés par les lois et règlements du barreau. En cas de contestation d’honoraires devant les instances du barreau, l’avocat est tenu de suspendre toute procédure de recouvrement forcé sur décision du bâtonnier. Dans cette affaire, le bâtonnier national de l’Ordre des Avocats congolais a donné des instructions en ce sens, de même que l’inspecteur général des services judiciaires et pénitentiaires.
Nous sommes inquiets et surpris que, malgré ces deux instructions, l’avocat créancier Maitre Mwamba Bukasa Joël ait outrepassé ces directives, soutenu par certaines décisions judiciaires, notamment celle de Monsieur le Premier Président de la Cour d’Appel de Kinshasa/Matete qui en rendu une ordonnance rendant exécutoire la note d’Honoraire n°072/2024.
Il est évident que les juridictions saisies n’ont pas respecté les instructions du Bâtonnier du Barreau de Kinshasa/Matete et de l’inspecteur général des services judiciaires et pénitentiaires, qui avaient ordonné dans ce contexte de contestation d’honoraires, la suspension de toute procédure de recouvrement forcé et de fixer le dossier devant le Conseil de l’Ordre pour les instances de conciliation.
Cette affaire s’inscrit dans le cadre des dénonciations faites par le ministère de la Justice concernant la mafia judiciaire en RDC. Monsieur le Ministre Constant Mutamba, nouveau garde des Sceaux s’attelle à redresser une justice « malade », promettant rigueur et transparence.
54 ÉTATS : Le Ministre Constant Mutamba a d’ailleurs déclaré récemment : « Le Chef de l’État nous a nommés pour redresser notre justice et redorer son image. Rien n’arrêtera cet engagement ferme du Magistrat Suprême. Les réformes courageuses en cours vont se poursuivre à la satisfaction générale de notre peuple. Des réseaux mafieux démasqués craquent déjà. Seule la justice élève une Nation. »
54 ÉTATS : La plainte des syndicats de SMCO SAS mentionne des saisies irrégulières effectuées par Maître Mwamba. Quelle est la position de la société Shituru sur la légitimité de ces actions ?
Maître Baziluka : Ces actions sont abusives et prématurées. L’organe compétent pour trancher les conflits d’honoraires est l’Ordre national des avocats. Recourir à un autre organe, même judiciaire, constitue une faute disciplinaire. De plus, les parties sont actuellement en instance de conciliation préalable et obligatoire. Maître Mwamba ne peut pas continuer à entreprendre des actions visant au recouvrement forcé de ses honoraires, sans méconnaître les lois et règlements en vigueur ! Notre profession est très réglementée ; il y a des barèmes tarifaires à respecter. En cas de contestation, le Conseil national vérifie la procédure et examine si le travail effectué par l’avocat justifie une telle facturation.
Enfin, comme l’a demandé le Conseil national via le courrier du bâtonnier de l’Ordre national, versé au dossier, la procédure doit être suspendue le temps que le Conseil national fixe les honoraires.
54 ÉTATS : Le Conseil national de l’Ordre des Avocats a ordonné l’arrêt des procédures de recouvrement forcé. Cependant, selon les syndicats, Maître Mwamba aurait ignoré cette décision. Comment réagit la Shituru Mining Corporation face à cette situation ? Y a-t-il des actions juridiques en cours ou prévues pour contester ces saisies ou obtenir des réparations ?
Maître Baziluka : Depuis le 22 avril 2024, les comptes de la Société Shituru font l’objet de différentes saisies. Shituru emploie plus de 1 200 Congolais et plus de 100 expatriés. La société est paralysée par ces saisies ; si l’autorité suprême n’intervient pas rapidement, les employés se retrouveront en situation de chômage technique. En raison de ce contexte, l’actionnaire majoritaire menace également de mettre fin à cette entreprise.
54 ÉTATS : Les syndicats ont demandé l’intervention du Président de la République pour résoudre cette situation. Pensez-vous que l’intervention des autorités pourrait changer le cours des événements ?
Maître Baziluka : Le Président de la République, Chef de l’État, a pris un engagement solennel concernant la protection des investissements étrangers. Nous attendons de lui qu’il ordonne l’arrêt des procédures de recouvrement forcé et qu’il assure la stabilité de l’entreprise.
54 ÉTATS : Quelles sont les prochaines étapes que la Shituru Mining Corporation envisage pour résoudre ce litige et assurer la stabilité de l’entreprise ?
Maître Baziluka : La profession d’avocat est très réglementée par le Conseil national de l’Ordre des Avocats. Malheureusement, Maître Mwamba, de manière déplorable, défie l’ensemble de la profession en poursuivant le recouvrement forcé de ses honoraires malgré l’instruction du bâtonnier national.
Sa créance n’est ni certaine, ni liquide, ni exigible. Maître Mwamba n’a aucun titre exécutoire pouvant justifier les différentes saisies effectuées.
EN CAS DE CONTESTATION D’HONORAIRES, LE SEUL TITRE EXÉCUTOIRE EST LA DÉCISION DE L’ORDRE NATIONAL DES AVOCATS.
Il est évident que cette décision fait défaut.


