Au Tchad, le président du Conseil constitutionnel, Jean-Bernard Padaré, a longuement expliqué la décision de l’institution de rejeter les recours électoraux, dont celui d’Albert Pahimi Padacké. Ce dernier demandait l’annulation des votes dans cinq provinces, espérant ainsi atteindre la deuxième place du scrutin.
Le parti de Succès Masra, à travers 12 points, réclamait l’annulation totale de l’élection, s’appuyant sur son propre décompte pour revendiquer la « vérité des urnes ».
Jean-Bernard Padaré a déclaré : « Considérant que les irrégularités constatées par les candidats ne sont pas de nature à entacher la régularité de l’ensemble des opérations de vote, le résultat définitif se présente ainsi que suit ». Mahamat Idriss Deby a été proclamé vainqueur de la présidentielle du 6 mai après deux heures de justification du rejet des recours et de recomptage des voix par province et par candidat. La séance, tenue sous une chaleur étouffante, a été marquée par l’évacuation de la vice-présidente du Conseil constitutionnel, victime d’un malaise. Le Conseil a jugé qu’il n’y avait « pas assez de preuves et pas assez de précisions dans les allégations », face au siège vide de Succès Masra, l’un des deux seuls adversaires de Mahamat Idriss Déby à avoir boycotté la cérémonie.
Jean-Bernard Padaré a ajouté : « Considérant que le candidat Mahamat Idriss Déby Itno, ayant obtenu 3 777 279 voix, soit plus de la majorité absolue des suffrages exprimés, qu’il convient de le déclarer président-élu de la République, chef de l’État ».
Les rectifications du Conseil aux chiffres de l’autorité électorale (ANGET) sont minimes. Mahamat Idriss Déby est officiellement élu avec 61,03 % des voix, contre 18,54 % pour son Premier ministre et 16,93 % pour Albert Pahimi Padacké, qui espérait gagner une place. Le taux de participation est de 75,78 %.
Les sept autres candidats restent en dessous de 1 % des voix.
Succès Masra appelle à l’apaisement et à la patience
Après ces annonces, Succès Masra s’est exprimé sur les réseaux sociaux, optant pour un ton apaisant. Contrairement à ses accusations de fraude de la semaine précédente, il a reconnu dans une vidéo n’avoir plus de « voies juridiques », appelant ses partisans à « ne pas céder aux provocations » pour préserver le pays. Il a encouragé à la patience et à servir le peuple « à tous les échelons », affirmant que « le changement est irréversible » et que « le soleil de la vérité est fixe ». Succès Masra a exhorté ses partisans à continuer la mobilisation pour un « Tchad nouveau », sans céder aux provocations.
Réactions et perspectives post-électorales
Albert Pahimi Padacké, représenté par son directeur de campagne, a exprimé des regrets face au rejet des recours de son candidat, mais a accepté la décision du Conseil. Dans une déclaration forte, il a réitéré ses félicitations au Président Mahamat Idriss Deby pour son élection, soulignant que cette élection marque un retour à l’ordre constitutionnel et confère au Président élu toute la légitimité nécessaire pour conduire le pays. Il a appelé à l’apaisement en soulignant l’importance de dépasser les frustrations transformées en colères par les injustices sociales et les inégalités persistantes. Il a ajouté : « L’arbre de la paix ne pousse que sur le sol de la justice » (Thierno Monenembo), et a appelé le nouveau Président à engager sans délai les réformes nécessaires pour une gouvernance inclusive.
Albert Pahimi Padacké a également exprimé sa gratitude envers ses soutiens, les partis amis, militants et sympathisants, tout en appelant à rester unis autour de la République. Il a conclu en souhaitant plein succès au Président élu.
Le camp de Mahamat Idriss Déby a manifesté sa « satisfaction » jeudi soir, considérant que cette élection a été la « promesse tenue » de la transition. Sur le compte Facebook de la Coalition pour un Tchad Uni, on décrivait des « accolades chaleureuses, sourires complices et regards emplis de fierté » entre les partisans du président réélu.
Le ministre Aziz Mahamat Saleh, membre de la campagne de Mahamat Idriss Déby, a déclaré : « On peut dire que c’est mission accomplie pour le président de la République et ancien président de la transition », rappelant que son mandat initial était de « faire le dialogue et organiser des élections libres et transparentes ».
Calme à Ndjamena après l’annonce des résultats
Le jeudi 9 mai, l’annonce des résultats provisoires avait été suivie de nombreux tirs de joie, causant au moins 10 morts. Cependant, ce jeudi, l’ambiance à Ndjamena était radicalement différente après l’annonce du Conseil constitutionnel : pas de tirs, pas de déploiement massif de forces de l’ordre, et le centre-ville était calme et en grande partie déserté, ressemblant à « un dimanche après-midi », selon un habitant.
Les autorités policières et militaires avaient rappelé l’interdiction des tirs. Beaucoup, craignant des débordements, avaient pris des dispositions pour partir tôt. Plusieurs organismes, comme le système de l’ONU ou la Banque mondiale, avaient également demandé à leurs employés de travailler depuis chez eux.
